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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les courses sans jamais oser le demander...

Sentier cathare étape 1 - Port la Nouvelle - Durban

Première étape Port La nouvelle - Durban

  • Trail 33 km 775 m de dénivelé

ET1


Vendredi, le réveil sonne à 5h30. J'ai très mal dormi. J'étais un peu stressée, sans doute par le fait de retrouver tous les sacs plastiques, les mêmes que sur le GR20 qui contiennent mes affaires et dans lesquels je me perds, de m'apercevoir que j'ai oublié le chargeur de garmin, d'avoir perdu mon masque la veille. Ajoutez à cela l'orage qui tonne dehors, le bruit de la climatisation l'excitation avant le départ et ça donne une nuit courte. Cunégonde, elle n'a eu aucun problème de sommeil, elle a trouvé le matelas très confortable et ses ronflements ont participé à ma mauvaise nuit...

Nous partons après que j'aie avalé 2 bananes un peu avant 6 H. Je compte bien prendre un café et un petit déjeuner à Roquefort. Il fait encore nuit. Je cherche un peu mon chemin dans le ville et finis par trouver le sentier balisé rouge et blanc qui monte dans les Corbières. 

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Magnifique propriété à vendre. Très bon emplacement, à 10 km à peine du premier commerce. Il faut l'imaginer un peu rénovée avec la piscine et des baies vitrées...

En débutant mon chemin, tout me pèse, le sac à dos et ses cinq kilos sont rapidement douloureux pour les épaules. Mes chaussures de trail paraissent lourdes, j'ai l'impression d'être clouée au sol. Je vais courir beaucoup moins vite que je ne l'imaginais. Cunégonde semble étonnamment à l'aise avec sa robe et ses chaussettes. Je commence à me demander si j'ai bien calibré mon périple, quand, pour me reconforter, arrive la récompense des lève-tôt : le soleil levant qui rougeoie sur la mer.

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Nous entrons ensuite dans le domaine d'Eole, ses gardiennes majestueuses fendent l'air de leurs palmes métalliques. Je me sens toute petite, (oui, je sais, je SUIS toute petite mais les grands aussi doivent se sentir tout petits ici).

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Quelques autres propriétés ressemblant à  la celle qui était à vendre balisent notre chemin jusqu'à Roquefort. Cunégonde sourit et me conte une histoire amusante dont elle avait eu vent : « Le Pèire Boissa, envoyé de l’abbé de Sorèze, est passé par Roquefort durant l’inquisition, il voulait y arrêter deux parfaites et les emmener à Sorèze. Mais les femmes de Roquefort se sont rassemblée et lancées sur lui avec des bâtons et des pierres, elles lui ont arraché ainsi les Bonnes Chrétiennes. Sur quoi Pèire est parti quémander l’aide de l’abbé de Sorèze et de Jordan de Roquefort, le seigneur du lieu, afin de demander raison aux villageoises. Celles-ci ont alors prétendu que Pèire Boissa s’en était pris à deux dames mariées tout à fait innocentes désignées parmi elles. Pèire Boissa fut alors la risée du village. »

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Malgré ses efforts pour me distraire, je ne pense plus qu'à mon petit déjeuner. Enfin je vois un bistro ouvert. Il n'est à pas tout à fait 8 heures. Je m'approche avec un grand sourire de la personne qui nettoie les tables. "- Je vous prendrai un thé et un café". Mes drogues du matin me manquaient ! "- Ah non, on ouvre à 9 heures". Le gars va donc passer une heure à nettoyer les tables et refuser les clients qui pourraient arriver ? Dépitée j'insiste : "- Même pas un petit café ?" "- Bein non la machine n'est pas démarrée". Je repars le ventre vide et mange une de mes bananes de rage, sans café... A la sortie de Roquefort, nous trouvons quelques vignes puis une montée nous amène à sur un plateau où le vent chasse ma mauvaise humeur. 
J’engage la conversation avec Cunégonde pour mieux la connaître.

Elle est née en l'an 1200 à Tornauelha, seigneurerie, annexe de la paroisse de saint Nicolas de Toulouse. Troisième d’une famille de 6 enfants, elle a perdu deux des ses frères à 6 mois et 2 ans et son père à 7 ans. Sa mère ne pouvant subvenir aux besoins de la famille l'a emmenée avec sa grande sœur Esclarmonde chez les bonnes chrétiennes. Ces dames étaient venues quelques fois chez elles auparavant leur parler de dieu et de son église. En arrivant, leur mère fit trois génuflexions en s'inclinant profondément devant les dames. "-Dames, donnez-nous la bénédiction de Dieu et la vôtre ! Priez pour nous ! " Il lui fut répondu "-Tenez la de Dieu et de nous" Alors leur mère formula le voeux de devenir une bonne chrétienne et on lui répondit "Que dieu vous accorde d'être une bonne chrétienne".  C'était le Melhoramant (amélioration en occitan), le seul rite que les croyants cathares devaient pratiquer. Cette salutation qui était adressée à chaque parfait cathare rencontré. Cunégonde a été élevée au sein de cette communauté où elle a appris les règles pour devenir une bonne chrétienne. Les femmes vivaient de leurs travaux de tissage dans cette maison. Au bout de trois ans de formation, âgées de 10 et 12 ans, elle et sa soeur furent emmenées dans  la maison où vivait le diacre pour recevoir leur baptême. Les fillettes affirmèrent leur volonté de devenir bonnes chrétiennes et promirent de ne plus manger de viande ou de produit animal (oeuf, lait) à l'exception du poisson. Elles firent voeux de chasteté et de vérité. Le diacre imposa ses mains au dessus de leur tête, les fillettes avaient reçu le consolamentum. Elles reçurent une bible. Elles étaient très jeunes pour s'engager ainsi à devenir parfaites. L'église cathare privilégiait habituellement les personnes plus mûres. On acceptait les hommes et femmes qui avaient déjà eu une vie de famille et faisaient voeu de chasteté pour la suite de leur vie. A 12 ans, elle serait majeure. Une de ses amies, Arnaude, avait déjà été fiancée à 10 ans avec un garçon de 12 ans. "

Elle se renseigne à son tour en me demandant mon âge. A ma réponse, elle s’exclame « 45 ans ! Tu m’as l’air robuste pour une vieillarde !
Alors nous arrivons sur une descente abrupte où je me retiens de la pousser suite à son dernier commentaire. Puis un petit col nous amène à Durban. Nous n'avons croisé que deux personnes sur le sentier, près de Roquefort. Nous arrivons vers 11h au gite "sous l'abricotier" situé rue du presbytère à côté de l'église et dominé par le chaâeau. L'endroit est très coquet avec beaucoup de caractère. Nous trouvons un restaurant et à table, Cunégonde rond la pain, le bénit et m'en propose un bout que je dévore avec joie. Mais de ma salade tomate mozzarella, elle ne prend que la tomate et m'explique qu'en tant que bonne chrétienne, elle ne mange ni viande ni produit animal à l'exception du poisson.

L'après-midi, je pars à la recherche d'un cade tricentenaire. Cunegonde la ramène en me disant que tricentenaire ce n'est pas si vieux, il n'a même pas connu les cathares. Je lui fais remarquer qu'elle m'a traitée de vieillarde avec mes 45 ans, alors elle pourrait avoir du respect pour cet arbre, surtout qu'à son époque avec une espérance de vie de 25 ans elle devait moins faire la maline. Du coup elle boude et me laisse seule l'après-midi. Je suis une piste qui me mène au conservatoire des olivier surplombé par le domaine Cirrus, mais la chaleur coupe toute velléité de dégustation. En ce conservatoire, ce sont les cigales qui font  vibrer leurs cordes en coeur.. Un peu plus loin toujours une  propriété mais avec piscine cette fois. J'ai bien peur que cette marre verte ne soit la cascade promise en début de ballade...

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Puis je continue ma route et trouve celui que je cherchais : un genévrier oxycedre tricentenaire. Il est magnifique, tortueux à souhait. J'ai pris x panoramas photographiques dans tous les sens, impossible de le visualiser en entier. Je reste quelques temps lui tenir compagnie.

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Le chemin du retour me  mène directement à la piscine municipale où pour 2 euros je peux me rafraîchir avec vue sur le château. Le maitre nageur nous permet de profiter de ses goûts musicaux : Claude François et Dalida sont en fond sonore. Après cet intermède musical,  je monte visiter le château. Je brave le panneau "danger interdit aux touristes", je suis déjà passée du côté des hors la loi en courant deux fois autour du lac de quefets durant le confinement, je n'en suis plus à une exaction près. Ça me fait tout de même un peu drôle de me dire que les croisés étaient dans son droit en brûlant des milliers de personnes et que maintenant, je suis verbalisable pour courir en période de confinement, nager dans le lac de la ramée ou encore marcher vers un château. Cunégonde n'a pas été très locace sur le château. Il etait possédé par Bernard de Durban au XIIe siècle. Celui-ci reçut le consolament, mais renia sa foi en jurant fidélité au roi de France en 1229. 

Le soir Christophe et Nicolas arrivent, ils ont raccourci leur journée et sont partis de Roquefort à 16 H. Ils ont profité de la première étape sans moi pour mettre le turbo. Cunégonde s'éclipse. 

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